Collection : La Nécessité du paysage
À partir des années 1980, à l’école de paysage de Versailles (ENSP), de nouvelles manières d’imaginer et transformer les paysages s’élaborent, accordant une place majeure à l’écologie de terrain dans l’aménagement des espaces publics urbains et ruraux. Des ateliers pédagogiques mettent le vivant au centre des préoccupations en cultivant l’économie des moyens matériels, le réemploi des déchets comme ressources, les vertus des expériences collectives. Hors les murs, des projets professionnels prolongent ces explorations. En 2015, devant l’intérêt suscité par ces expériences, une trentaine de jeunes paysagistes et cinq enseignants du département Écologie s’engagent alors à les décrire pour les partager. Sur la base d’un travail résolument collectif, ils produisent une vingtaine de récits.
En introduction sont synthétisés les ingrédients d’une attitude rustique dans les projets de paysage. Animée par un goût prononcé du terrain, inspirée par les pratiques jardinières et paysannes, elle tire un parti optimal des ressources, tant matérielles qu’humaines. Elle abandonne l’idée de concevoir un projet parvenu à son terme pour mettre en route un processus dans lequel l’espace est transformé par étapes réalisables. Chaque essai infléchit le suivant, compétences mêlées, y compris bénévoles, et approches croisées, scientifique, technique, poétique, artistique. Chaque chantier combine conception, réalisation et entretien – activités ordinairement distinctes et successives. Les retours d’expérience sont ordonnés dans l’ouvrage en trois chapitres.
« Le carré de pieds-mères (raciner) » réunit trois expériences fondatrices conduites par ou avec des étudiants qui brûlent d’exporter leur savoir-faire jardinier, nouvelle composante de leur formation. Près de Redon, agir en vraie grandeur au cours d’un atelier pédagogique libère l’imagination qui transforme une friche industrielle en espace de nature sans export ni import superflu. Sur les hauts du Grand Nancy, une découpe au broyeur forestier métamorphose une friche boisée en parc ; les personnels techniques apprennent alors à le jardiner via des formations de terrain invitant des étudiants. À Épinay-sur-Seine, pour continuer à conduire un parc issu de friches, des étudiants créent Chifoumi, collectif qui se prolonge en structure professionnelle originale.
Chapitre central et pilier de l’ouvrage, « La pépinière (bourgeonner) » est le recueil de sept projets qui déploient l’éventail des expériences dans une belle diversité d’échelles et de temps d’interventions, d’une placette de village beauceron à un mont du Beaujolais en passant par l’espace collectif d’un nouveau quartier. Les axes thématiques sont variés : agriculture urbaine, médiation sociale, ré-enchantement d’espaces en perte d’âme, ateliers-résidences de concertation, accueil touristique dans une économie rurale en conversion.
Enfin « Le verger (fructifier) » regroupe les récits de projets de maturation, certains initiés précédemment, où s’inventent des exercices originaux du métier, des méthodes et des manières de durer… en se transformant. Ces évolutions impliquent une diversité croissante de partenaires qui continuent à appeler et apprécier les interventions des professionnels du paysage.
Au total, cet ouvrage est tout à la fois un guide de conduite du vivant fourmillant de savoirs et savoir-faire généreusement partagés et illustrés, un court traité de philosophie du projet de paysage et un récit à plusieurs voix stimulant pour proposer des horizons face à la remise en question nécessaire de toute une société.
Mise à jour :dimanche 15 juin 2025 | [Mentions légales] | RSS 2.0